Le mot geek se conjugue bel et bien au féminin. Le monde du travail dans le numérique serait devenu le plus paritaire de France. C’est ce qu’affirme l’​Association de l’Economie Numérique (ACSEL). La proportion de femmes cadres dirigeantes est deux fois plus élevée dans le digital que dans les autres secteurs d’activités. 
​

En collaboration avec le cabinet ​Hay Group, une étude a été menée auprès de 500 sociétés pour évaluer le taux d’hommes et de femmes aux mêmes postes. Et surprise, sur la totalité ce sont les 149 issues du secteur du numérique qui s’avèrent être les plus paritaires.Sur l’ensemble des niveaux de cadres, la proportion de working girls dans le digital est plus forte que dans tous les autres secteurs. Quand deux cadres dirigeants sur dix sont des femmes, le ratio est de quatre sur dix pour les postes dans les entreprises du numérique.

Aberrant mais vrai, e manière générale, les hommes sont, encore, en moyenne payés 6.3% de plus que les femmes, à niveau de responsabilité comparable. Tandis que sur le marché du digital, cet écart n’est que de 3.7%. ce secteur est donc beaucoup plus paritaire sur l’ensemble des postes de cadres. Tant sur la représentation des femmes aux plus hauts niveaux de responsabilités, que sur les rémunérations.

La marche en route
Résultats des efforts des women power du secteur ? Sûrement ! Depuis 2010, de multiples réseaux de femmes tels que​ « Girls in Tech », ​« Girlzinweb », ou encore ​« Cyberelles », s’organisent pour faire changer les mentalités. Les ​« Femmes du Numérique » par exemple, vont à la rencontre des lycéennes, chaque année, avec la « Route du numérique », pour parler de leur métier. « Il faut donner des modèles aux filles, mettre enavant de jeunes entrepreneuses, qui les incitent à oser », explique Viviane Chaine-Ribeiro, PDG de ​Talentia Software et présidente de la commission « Femmes du numérique ». Autant de réseaux, où des femmes échangent, s’entraident, tentent de faire partager leur intérêt pour la technologie. Et surtout de sensibiliser en amont les étudiantes et de donner de la visibilité aux femmes qui travaillent dans les nouvelles technologies.

« Le numérique transforme les organisations en profondeur. Les métiers du digital deviennent incontournables et avec deux fois plus de femmes cadres dirigeantes, le secteur se révèle être le plus paritaire », précise pour sa part Gildas Poirel, Consultant et Directeur des Relations Clients de Hay Group.

Malheureusement , ce constat ne s’applique pas (encore) aux salariés non cadres. Pour Viviane Chaine-Ribeiro,
​« on ne pourra pas améliorer les choses à court terme. Une politique de quota peut être nécessaire mais elle a ses limites.Pour des postes dit «lambda», elle reçoit neuf CV d’hommes pour un de femme. »

​

Des moyens pour faire le tri dans de grandes quantités de données se sont développés au cours des dernières années. Mais les rédactions françaises ont du mal à intégrer cette évolution.

Saviez-vous que le mot « love » est utilisé 613 fois dans les chansons des Beatles ? Pour trouver ce chiffre, l’équipe de ​Simon Roger, éditeur du Data Blog du Guardian, s’est penchée sur les ​données disponibles concernant les textes des chanteurs british. Ce travail de tri s’appelle du datajournalisme.

« Les données peuvent être une source, un outil qui permet de raconter l’histoire,  ou les deux », résume Paul Bradshaw, journaliste et professeur à l'université de Birmingham, dans le ​Guide du datajournalisme. Parmi les autres exemples les plus connus : l’affaire ​Snowden et les publications de ​Wikileaks.

Ce type de travail n’est pas nouveau en soi. La différence aujourd’hui, réside dans l’existence d’outils capables d’analyser rapidement les quantités d’informations, parfois énormes. Présenté de cette façon, le journalisme des données semble très séduisant. Certains médias comme The Guardian et The New York Times n’hésitent pas à se lancer dans ce type de projets.

Des compétences utiles

Dans l’Hexagone en revanche, « les médias parient assez peu sur l'innovation », analyse ​Sylvain Parasie sociologue, chercheur et maître de conférence à l’Université Paris-Est/Marne-la-Vallée. Sans compter que la rentabilité du travail du journaliste "bidouilleur" est souvent visible qu’à moyen terme.

Le frein à l’embauche serait donc avant tout économique : ces nouveaux outils sont arrivés au même moment que la crise de la presse, limitant leurs possibilités de développement. Sans compter qu’un datajournaliste a travaillé pour acquérir une compétence supplémentaire et qu’il est difficile à rémunérer, rappelle le journaliste pigiste et ancien journaliste d’Owni, Sylvain Lapoix.

La faute à un modèle économique pour accueillir spécialistes data dans leurs rédactions ? Non, répond Laurent Dupin, consultant web et médias sociaux, et co-fondateur du LeWebLab. « Le journalisme des données reste le fait de quelques passionnés, agissant seuls ou dans des projets dédiés. »

Un poste à l'étranger

Rédiger un article sans pour autant avoir recours au datajournalisme, c’est possible, mais cet outil peut ajouter de la valeur à l’information, estime le co-fondateur de l’agence ​Journalism ++, Nicolas Kayser-Bril. Bien utilisé, il peut aider à lutter contre la surabondance d’information. Les journalistes de l’Express l’ont compris. Ils utilisent la plateforme OpenDataSoft depuis le début de l’année 2014 pour recueillir des données et illustrer leurs articles.

Un avis partagé par le rédacteur en chef du site du Nouvel Observateur, Aurélien Viers. D’après lui, chaque « grande » rédaction française va avoir besoin de recruter tôt ou tard un expert des données dans son équipe. Il estime également que chaque journaliste web devra être en mesure de réaliser une infographie basique dans les prochaines années.

Pour trouver un poste dans ce domaine, la meilleure solution résiderait peut-être à l’étranger. Selon Mirko Lorenz, du Deutsche Welle, « partout dans le monde, des entreprises, des médias et des institutions recherchent des faiseurs de sens, des professionnels sachant exploiter des données et les rendre intelligibles », affirme-t-il dans le guide du datajournalisme. Un exemple à suivre par la France.

​L’Auvergne est souvent considérée comme une terre à fuir. La région, désertée par les travailleurs et les étudiants, souhaite pourtant convaincre la jeune génération qu’il n’est pas nécessaire de s’installer dans les grandes villes pour s’épanouir professionnellement. Pour y parvenir, les élus locaux ont misé sur le développement du numérique.

Bernard Delcros, président divers droite du Pays du Murat (Cantal), considère son intercommunalité comme une « pionnère » en la matière. Partant du constat que « neuf cadres parisiens sur dix sont à la recherche d’une meilleure qualité de vie sans pour autant sacrifier leur carrière », lui et ses collègues ont tout mis en œuvre pour faire du Pays du Murat une terre à conquérir. Aidée financièrement par l’Union européenne et la région, l’intercommunalité a très vite installé un réseau haut débit sur l’ensemble des treize communes et construit un centre de 200m², entièrement dédié au télétravail. Un argument de poids pour convaincre l’entreprise de Jacques de le laisser travailler loin de la folie de la capitale, plusieurs jours par semaine. « Ma femme et moi rêvions de quitter Paris pour vivre à la campagne », témoigne ce trentenaire, employé d’une entreprise de communication. « Mais vu mon travail, je ne voyais pas comment y parvenir sans mettre ma carrière en péril. » En 2009, Jacques est tombé par hasard sur un article évoquant les initiatives du Pays du Murat. Après quelques recherches, il a demandé à son patron s’il pouvait travailler à distance quelques jours par semaine. « L’expérience s’est révélé concluante. Aujourd’hui, je ne monte à Paris que pour les réunions. »

« L’Auvergne a cru en moi »

Les personnes désireuses de fonder une start-up y trouvent aussi leur compte. L’intercommunalité délivre cinq fois par an une formation agréée par l’Etat. « Depuis 2006, 300 personnes ont suivi cet apprentissage et 40% ont créé leur entreprise », se réjouit Bernard Delcros. Bien sûr, tous ne s’installent pas dans l’intercommunalité. Mais ceux qui le font bénéficient, là encore, d’avantages considérables. « Sous condition d’avoir un projet viable, le Pays du Murat offre un logement et un salaire (SMIC) pendant dix-huit mois maximum aux entrepreneurs, le temps que leur clientèle s’installe. Ils bénéficient également d’un accès gratuit à l’espace de coworking pendant un an », explique l’élu. Grâce à cette initiative, ce territoire d’à peine 5 550 habitants a convaincu 26 entreprises de s’implanter au milieu des collines verdoyantes.

Steny Solitude, PDG de Perfect Memory, a profité du programme il y a cinq ans. Le jeune homme, originaire du Nord, a tout quitté pour s’installer en Auvergne. Il n’a jamais regretté. « Il y a très peu d’endroits en France où les projets sont aussi soutenus, affirme-t-il. La région a cru en moi et ma start-up de web-sémantique. » Aujourd’hui, son entreprise compte douze employés.